Dans plusieurs de ses textes, Platon semble nous inviter à nous méfier des « poètes », de ceux qu’il appelle ainsi, et irait même, dans La République, jusqu’à les exclure de sa Cité idéale. Pourtant, Platon, c’est aussi le philosophe qui cite à de multiples reprises les poètes qui ont fait son éducation (Pindare, Hésiode, Homère, entre autres) et c’est aussi et surtout un fabricant de mythes (le mythe d’Er le pamphylien, l’allégorie de la caverne, le mythe de l’androgyne, le mythe de Theuth…). La « condamnation » par Platon des poètes n’est donc pas si simple.
Pour la comprendre, il faut déjà ressaisir le sens premier du grec poiêtês qui ne désigne pas seulement ce que nous appelons « poète », mais plus largement tous ceux qui produisent des œuvres. Or, c’est le statut de ces œuvres qui est à l’origine de la critique platonicienne car produire une œuvre c’est produire un être second, un être artificiel qui a l’apparence d’un autre être. Produire une œuvre c’est produire ce que l’on appelle plus généralement une image. Et c’est bien le statut ontologique de l’image qui est au cœur de la réflexion platonicienne : qu’est-ce que c’est qu’une image ? à quel type d’être fait-on référence quand on dit que telle chose est une image ? et quelle est la puissance propre à ces choses que sont les images ?
Prenons quelques exemples contemporains pour nous convaincre de la pertinence de cette question. Regardons un enfant attiré par les écrans, soyons attentifs aux questions que peut soulever le traitement médiatique de tel ou tel fait d’actualité et à son « effet zoom », ou, encore, pour rendre justice aux faiseurs d’images, au tableau la trahison des images de René Magritte. S’il n’est donc pas question de ne plus produire d’œuvres, il semble néanmoins nécessaire de nous interroger sur ce que l’on fait quand on fait une œuvre pour pouvoir en saisir la portée et distinguer ainsi la copie qui nous invite à la dépasser pour atteindre son modèle, du simulacre qui tend à faire oublier son modèle et à se faire passer pour seule réalité.
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